quand un pas a suivi un pas et qu’alors tu te tournes vers le parcours, étonné, inquiet, au mystère embarqué
quand creusé tu penches vers l’eau ancienne qui baigne tes profondeurs, quand tu penches et que remontent en murmure d’autres messages, puissances frémissantes, irradiantes lignes d’argile en patience au bord de l’homme, quand tu penches et qu’alors l’homme en toi s’émeut, s’approche, avance la main puis touche, incrédule, effleure de la paume son devenir (curieux fruit qu’il espérera encore féconder), incrédule peu à peu décrassé peu à peu acceptant ce contact, ce contentement qui l’inclut
― enfin l’accueillant au creux comme un oisillon dodu
quand la terre humide te sourit d’évidence et que ton ciel s’y reflète, quand tu y grattes quelques siècles, peut-être malaxes un songe, du bout de l’orteil, ramasses un brin d’orgueil qui traîne, quand un air indéfini flâne en brise dans ta rêverie, qu’un arrêt brusquement épais affranchit ton visage puis que tu reviens à la terre, à l’humide dans lequel maintenant tu t’enfonces au calme, pieds nus, quand vient l’instant où pour peu tu accepterais l’atroce et l’inévitable (comme toute chose vivante), de t’y décomposer
quand tu vas vers l’eau qui coule, sautillant en toi-même et grave comme l’enfant qui découvre, quand les muscles de tes jours s’irriguent de confiance et qu’à lentes enjambées tu foules tes terres nomades, quand tes malades et tes morts, tes amoindris, tes blessés tes désespérés rassemblés t’accompagnent sur les berges de douceur et que l’herbe du temps crisse à vos pieds, quand alors tu ne sais plus que dire tant la tendresse t’étouffe et se dilate et te respire…
(quand à quelques kilomètres d’autres se déchirent pourtant, si loin si proches)