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matin monde

c’est matin les oiseaux parlent en i
— plutôt ça je dirais : i

ici le matin est là il règne il explose tout doucement tout presque est vert
— en fait ça pulse du vert, du i, comme un cœur qui a le temps
vue en gros c’est une masse verte, une immense tache aux variations 
et quand on s’y approche et penche le détail lui aussi vit pulse on remarque
et donne ses couleurs ses odeurs
même si moi je ne réussis pas à bien sentir je sais que les odeurs sont là pour chacun des détails
ça se voit
(j’écarquille les yeux pour encore mieux voir)
(c’est-à-dire que les choses me pénètrent par l’œil emplissent mes cavités)
et l’herbe encore les tiges et les graines au bout les fleurs sont humides, tout on dirait
même les pattes des oiseaux
ce n’est en ce moment que le matin
hier au grand croisement ovale le soleil tapait dru les trottoirs
sévère écrasait déjà tout
(je dis déjà car ce n’est qu’avril en toute fin)
et j’ai pensé Mon dieu cet été ça va donner…
mais ce matin du monde ici le vivant ronronne et étale sa force
comme un ruisseau coule, si tu vois, comme un feuillage s’épaissit
lentement et si sûrement
je me dis la différence du végétal c’est qu’il a le temps
l’homme lui si tu te souviens donne cette impression de ne l’avoir jamais
sauf quand il fait poète, philosophe
des fois danseur
sculpteur
marcheur des fois
des choses d’un autre temps
il y en a
— aussi l’enfant-homme des débuts si tu te souviens
la musique
sinon la course et l’objectif surtout ça le tintamarre de la respiration des fois même tu subis oui l’apnée

ici dehors pour te dire les oiseaux je ne les écoutais pas
ils m’étaient à peine comme du paysage
à peine
mais depuis je ne sais bien quand ils parlent
depuis je ne sais bien quand j’entends des fois des mots formés par leur chant, des mots avec des i qui coulent ou roulent ou plaquent
des « précieux », « je te l’avais dit », « c’est par là », des phrases plus longues que j’oublie
aussi — fuit, fuit, fuit
si, si, si
envie envie envie
— et puis il y a d’autres sons :
le travail des hommes bien sûr mais aussi le vent (les feuilles, du coup), des poules qui s’affolent au loin, encore quelqu’un qui tape sur du métal, une vitre qui vibre

je voudrais te prendre dans les bras et te dire avec ça comme ici tout est vert
Vert Paradis* quelqu’un écrivit
si doux et ample et rond que ma base-misère s’inonde
— de bleu, de vert justement
— du jaune solaire bien évidemment
(mes yeux la couleur les imbibe)
je suis si heureux ici dans ce genre d’instant
que je cherche quelqu’un pour le dire
un témoin
partager tout ce vert qui ouvre mes bras
ce vert dans lequel on ne pense plus qu’à nager
s’étaler
plonger le pied nu
au-delà de l’enfance et de l’adulte et de l’embarquement de toutes ces choses qu’on fait et du pourquoi (même des catastrophes), et d’ailleurs à un moment on ne pense plus
et sans vraiment savoir c’est là le meilleur : on est soi-même un détail du vert
une touche
un endroit du monde qui vit qui pulse et a ses couleurs ses odeurs de soi et qu’on peut voir et même embrasser bras à bras si l’on s’y approche si on se penche


* clin d’oeil à Max Rouquette

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