Superposition de site

Cher Fred (à propos de dehors et du bureau)

J’ai vu les pancartes et les cris, et les fumées, et la danse, et aussi le blindé au canon à eau. J’ai vu depuis l’arrière la main du CRS posée sur l’épaule du collègue de devant, Ça va aller. Leurs jambes pas campées du tout, fragiles même.

Pont de la Guillotière, à Lyon, les deux fronts se cognent systématiquement, je deviens triste. A ce moment la foule ne peut pas reculer. Elle s’agglutine sur le pont au-dessus du Rhône. Elle attend ou elle avance, selon le front. A cet endroit, le passage tout droit est interdit. Rue de la Barre. Des hommes casqués en noir et détenteurs de gaz découragent d’aller faire un tour en mode shopping du côté des boutiques récemment installées dans l’ancien hôpital, l’Hôtel-Dieu immense et jamais aussi bien réhabilité. Ces hommes-là ne sont pas là pour parler. A l’étage, derrière les baies, des hommes en costume, des femmes en tailleur regardent vers le bas. Ont l’air hypnotisés. Cette foule devenue peuple, d’après Victor Hugo.
J’avais écrit sur un carton PARTAGE, enfilé une baguette de bambou, me suis senti dérisoire sous ce mot perdu là-haut alors que la plupart des heures étaient à la colère. La fois d’avant j’avais lu une phrase qui m’avait touché : On a mieux à faire.

J’ai croisé un ancien collègue, ses cheveux avaient bien blanchi lui aussi, il photographiait les vitrines explosées, les slogans sur les murs. Il disait qu’il n’y aurait bientôt plus de distributeurs automatiques d’argent, qu’ils seraient relégués au passé.
Je me suis dit que quelque part nous pouvions tout à fait être vieux, c’est-à-dire relégués au passé, et que ce monde aussi. Aussi que nous pouvions tout à fait être jeunes, que tout est histoire de moment n’est-ce pas, vieux et pas, enthousiaste et pas, les lignes bougent comme les nuages.

Je pense à ce moment du monde, ce que j’en perçois au fond de mes oreilles.
Et je pense à toi, là-bas, je me demande si tu sais toujours aller vers l’eau qui coule.

Puis je t’embrasse en numérique.


PS : Si tu te souviens de cette histoire de cartouche d’imprimante qu’on peut recharger avec une seringue hypodermique. Sache que je suis parvenu ― miracle ? j’ai sauté de joie dans mon bureau ― à injecter de l’encre dans une cartouche âgée de plusieurs mois, sans préparatifs spéciaux, juste introduit l’aiguille dans la petite éponge au fond du trou, qui n’attendait que ça… (Pour recharger ta cartouche toi-même c’est super simple tu trouveras plein de tutos.)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *