Le soleil est né depuis quelques heures. Je suis dehors. Oiseaux, grillons. Petite brise. Ombre déjà rafraîchissante sous le frêne miraculé.
Ce matin, je ne me suis pas assis au bureau. J’ai déambulé dans le jardin. Tout est si verdoyant, qui vous injecte de l’évidence de vivre dans les veines.
J’ai échangé quelques impressions avec la poule, la survivante de la dernière attaque nocturne. Aussi, j’ai joué aux herboristes ; récolté des feuilles, de frêne, de ronce, de cassis, et des fleurs de mauve. Cette impression que je pourrais faire ça sans m’arrêter, cueillir, marcher. Plus loin, j’ai coupé les premiers poireaux perpétuels, cueilli deux trois oignons rouges qui montaient en fleur.
Je me suis étonné que les chenilles qui avaient envahi une branche de cerisier soient mortes, séchées sur les rameaux, leurs yeux deux minuscules billes noires tombées en poussière sous mes doigts. Passé courbé sous les pommiers, silence du côté de la mare. Dans la serre je me suis réjoui des ronds de terre humide autour des plants. Aubergine, poivron, concombre. Melon. Et, dehors, à côté, sur des tréteaux à l’abri d’un vieux mirabellier, les plants en attente, en forme visiblement, malgré l’orage violent de l’autre soir.
Après ce tour, j’ai mis une Reine des glaces à l’instant récoltée à tremper. J’ai pensé à mon repas de midi. Aux limaces sous le jet d’eau. A mes articulations, aussi. Je me suis dit que j’avais beaucoup de chance. Me suis senti comme qui dirait bien planté sur mes deux pieds, ça n’arrive pas tous les jours cette sensation de densité. J’ai remercié mon entourage pour son accompagnement dans cette vie rare.
Assis au bureau, au ronronnement du ventilateur de l’ordinateur, avant de consulter mes messages j’ai encore pensé au sens de ma vie, me suis dit que c’était aussi ça, simplement, cette force si douce à déambuler entre les herbes sauvages, et que c’était chose à peut-être partager avec toi.
on dirait bien que tu rentres peu à peu dans la contemplation du monde, plus qu’avant… une sorte de méditation qui me pénètre moi aussi qui vit en pleine campagne, isolée des autres gens…
merci pour ta belle écriture qui nous dit « cette sensation de densité »…